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NOS PETITES PRÉDATIONS




Après dix ans d'absence de la scène artistique contemporaine, le peintre Thierry Cheverney avait accepté de confier à Ynox (n° 6, printemps-été 2003) l'exclusivité de la publication d'une partie de sa production photographique réalisée au cours d'un long exil volontaire mais cependant très actif. Nous revenons ici sur ce peintre devenu photographe, dont le cheminement reste atypique et sans égal. Pour la première fois, vous pourrez découvrir une exposition tandem qui présentera les oeuvres photographiques de Thierry Cheverney au côté de celles du photographe Denis Proteor.


C'est sur la série intitulée "nos petites prédations" qui présente une kyrielle de petits animaux pulvérisés et écrabouillés sur le bord de nos routes que nous reviendrons plus particulièrement ici. En effet, la publications de la photographie d'un malheureux chat écrasé dans Ynox n° 6 n'ayant cessé de provoquer des "beurks" et "heuuu" dignes d'une terrifiante nuit d'Hallooween, nous avons pensé qu'il fallait en dire un peu plus sur la démarche poursuivie par Thierry Cheverney à travers la création de cette galerie de portraits d'un réel quelque peu dérangeant.

Nulle folie chez celui-ci à compiler ainsi les images de ces animaux que le seul fait de se balader sur une route de campagne l'amène à découvrir. Il ne fait alors que stopper son véhicule et en descendre pour en saisir la dernière expression. Nulle recherche non plus de provocation gratuite du contemplateur de ses tirages photographiques. Plutôt la nécessité de montrer du doigt ces "petites prédations" que notre conscience nous a habitué  à considérer comme fatales et inéluctables pour les accepter, les oublier et finalement ne jamais les voir exister.

A travers d'impressionants clichés, les photographies de Thierry Cheverney ont cherché à mettre en évidence les processus mortifères de notre société (centrales nucléaires dont l'écrasant gigantisme ne nous interroge pas plus que ça, usines pétrochimiques en bord de mer dont on a appris à croire qu'elles étaient vraiment inoffensives et nécessaires en l'état...). Qu'en est-il donc de ces petites morts du bord des routes ?! Dans ce travail, le photographe cherche à nous faire prendre conscience de notre implication et de notre responsabilité dans ce qu'il conçoit comme un autre niveau de mortification engagé par l'homme contre lui-même.

Il serait donc inutile pour l'homme d'aller jusqu'à construire une rafinerie de pétrole à proximité de zones urbaines, de fabriquer une quelconque arme de destruction massive pour devenir un criminel. Une barbarie humaine serait ainsi toujours à l'oeuvre en chacun de nous et nous chercherions tous à refouler cette effrayante idée de possession.

La prédation se niche donc partout et la pire n'est pas forcément celle que l'on est habitué à considérer comme telle. Enfaisant ces photographies, Thierry Cheverney se positionne. Tout simplement choqué de voir autant d'animaux écrasés, il adécidé de leur dédier une autre sépulture que celle de notre indifférence et de notre inconscience. A partir de leurs corps ravagés par la violence de leur mort, il en fait des icônes qui pourront (pour ceux qui la connaissent) rapeler parfois sa peinture (aquarelles, collages ou Véronèse qui nouq ont déjà parlé d'une autre mort: celle de la peinture). Eux, au moins, ne pourront pas être oubliés et resteront dans nos mémoires. Cette fois-ci, l'on ne passera pas si vite à côté d'eux, notre regard ne s'en détournera pas si facilement et même si ce n'est vraiment pas de notre faute nous aurons à subir quelque part une portion du choc qu'ils ont eu eux-même à connaître. Alors merci Thierry Cheverney d'avoir immortalisé ce magnifique écureuil roux que l'on arrive encore à trover mignon , ce superbe lapin sauvage au corps liquéfié, cet oiseau qui un jour a volé et que l'on a toujours et jamais vu... Merci de ramener à notre contemplation le spectacle de la désolation de ces martyrs d'un Réel qui habituellement s'oublie si vite et si facilement. Merci de nous permettre de contempler toutes ces images dans notre chambre à coucher, notre salon, notre cuisine...

Grâce à Thierry Cheverney, ces animaux anonymes que vous avez un jour pulvérisés, écrabouillés et oubliés reprennent vie. Alors à chacun de douter de la validité de son "laisser-passer" d'être humain sur cette planète. Et d'une façon plud générale envisageons un jour, oui envisageons de mieux voir ce que nous faisons...





Jean-Fabien Phinéra




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