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LE LONG PASSÉ QUI  CONDUISIT À LA RUE DES VIGNOLES

Le Combat Syndicaliste

CNT-AIT

Mensuel de la Confédération Nationale du Travail
N° 165 Mars 1996

De Franco à ses garrotteurs à Chirac et ses bétonneurs



L'expression "No Pasaràn" semble vouloir inexorablement profiter à ceux contre qui elle a été destinée. Depuis la sortie du film de Ken Loach Terre et Liberté, les médias se sont emparés du "phénomène". L'Espagne de 1936 et de la guerre civile est aujourd'hui un produit de consommation tout à fait rentable pour les organes de presse qui en commentent les événements, mais qui ont relégué les faits réels: la résistance au putsch franquiste, au rang d'un fait divers.

La guerre d'Espagne ne s'est pourtant pas arrêtée avec l'arrivée morbide de Franco au pouvoir. Responsable de plus d'un million de morts, le bourreau continua son génocide jusqu'à son dernier souffle. La fin de la guerre, couronnée par l'occupation du territoire espagnol, dans sa totalité, par les forces séditieuses du général Franco, devait se transformer pour les survivants, ceux qui avaient échappé au massacre fasciste, en un épouvantable calvaire. Franco fit regretter à tous ceux qu'il n'avait pas éliminés pendant la guerre, et notamment aux mouvements anarchistes et libertaires, F.AI., F.I.J.L., S.I.A., et anarcho-syndicalistes, C.N.T., d'être vivants.


FRANCO LA MUERTE

Il bénéficia du silence des démocraties européennes pour terminer sa besogne d'extermination. Toute résistance a donc été rendue très difficile et la survivance du mouvement libertaire s'est faite au prix de milliers d'exécutions de militants des groupes de résistance au fascisme, la plupart du temps sans procès.
Aujourd'hui, quand les médias parlent de la guerre d'Espagne, quand ils parlent du mouvement libertaire, et quand ils parlent de la C.N.T. depuis la sortie de Terre et Liberté et depuis les mouvements sociaux de décembre 1995, on dirait, que se référant à la guerre d'Espagne, les commentateurs ont oublié de mentionner que le million de morts de cette guerre était le fait indiscutable du putsch franquiste, de l'extrême droite ou de la droite nationaliste espagnole. Étrange silence des médias, qui n'hésite pas, cependant à gloser sur les mouvements néo fascistes européens, comme si de rien n'était, comme si ces derniers n'avaient strictement rien à se reprocher et comme si le lien avec l'histoire n'avait jamais existé. Amnésie de la part des médias. Le slogan publicitaire des fascistes, "les mains propres et la tête haute", ne leur paraît pas excessivement douteux, ni oublieux d'un passé sordide qui leur appartient pourtant.


NOUS SOMMES LES HÉRITIERS DES SURVIVANTS

Bref. Le mouvement libertaire, malgré les pressions successives dont il a été victime, malgré la désinformation et la censure dont il a été l'objet, existe toujours. La C.N.T. dont il est souvent question dans la presse depuis peu, est toujours là. Pourtant, l'article d'une page entière que Libération lui a consacré récemment mentionne les problèmes internes sans grande importance, qui ont pris, pour le quotidien, une dimension telle que l'on a l'impression que les éditorialistes de Libé ont eu, eux aussi quelque intérêt secret à discréditer le mouvement.
Ils auraient pu informer le lecteur de la menace qui pèse sur le Bureau Confédéral des Vignoles. Non ! Essayer de diviser le mouvement a l'air plus conforme à la ligne éditoriale du quotidien.
La C.N.T. est donc toujours vivante, mais elle est en partie menacée, par les allégations de Libération d'une part, mais surtout par les entrepreneurs, bétonneurs et élus qui tentent l'éviction des locaux de la rue des Vignoles. Ce sera simplement une expropriation supplémentaire. Il y en a tellement qu'il n'est même plus pensable de les citer toutes. Et surtout pas celle-là.
Un arrêté d'expulsion a été signifié contre le Bureau Confédéral de la rue des Vignoles. Le Bureau doit donc quitter ses locaux, occupés depuis 1973, qui abrite une section d'anciens combattants espagnols, résistants au franquisme et anciens réfugiés politiques exilés.
Un consensus avait été organisé par les démocraties du "monde libre", permettant à Franco de bénéficier de l'attribution en 1950, de 62 millions de dollars de crédits votés par le Congrès américain . Dans la même année, l'assemblée générale de l'O.N.U. annule la résolution qui interdisait l'adhésion de l'Espagne fasciste aux institutions internationales des Nations Unies. En 1951, on peut citer la rencontre de Forest Sherman avec Franco, permettant aux forces militaires américaines de s'implanter en Espagne au nom de la guerre froide et au mépris du contentieux franquiste.
En 1952, la communauté internationale permet l'admission de l'Espagne à l'Unesco et, après plusieurs victoires de la diplomatie franquiste (pacte de Madrid, Concordat avec le Saint-Siège...), le Congrès de l'Union interparlementaire vote l'admission de l'Espagne franquiste à siéger à l'O.N.U. Nous sommes en août 1955. Franco ouvre grand les portes du pouvoir à l'Opus Dei.
Les Etats-Unis ont toujours été présents, il faut s'en souvenir, à grands coups de crédits et de prêts internationaux.
En 1959, Eisenhower est en visite officielle en Espagne. Tout cela - et bien d'autres événements diplomatiques - va permettre à Franco de s'affirmer, les mains lavées par la diplomatie internationale et "la tête haute", et de consolider sa reconnaissance. Pendant ce temps-là, le ministère de l'intérieur continue de garrotter, de fusiller sans procès et le monde ferme les yeux.
La situation a aujourd'hui changé, on  n'a plus besoin de défendre le fascisme. Il est là, partout, victorieux et exclusif. Par contre,  alors que depuis la mort de Franco, on ne pratique plus le garrottage  contre les militants  C.N.T.,  il a bien fallu trouver  un moyen de réduire le mouvement en loucedé. Les bétonneurs vont s'en occuper.




Thierry Cheverney. Le Combat Syndicaliste. Interco-Paris




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